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Interview Exclusive : Structure Pionnière en France, le Comité Scientifique Pro Anima Promeut et Finance les Alternatives à l'Expérimentation Animale

Baptiste PRAUD

L’association de protection animale Argos42 est une jeune organisation qui a pour objectif principal de défendre et protéger les animaux. Argos42 s'est également intéressée à la lutte contre l'expérimentation animale, en lançant notamment une pétition qui a récolté plus de 50 000 signatures. Ce travail nous a conduit à échanger avec le Comité Scientifique Pro Anima, une structure pionnière en France, spécialisée dans les méthodes alternatives à l’expérimentation animale. Dans le cadre de ces échanges, nous avons eu l'opportunité d'interviewer Christiane Laupie-Koechlin, fondatrice du Comité Pro Anima, pour en savoir plus sur les actions du Comité et cette recherche novatrice que constituent les méthodes alternatives à l’expérimentation animale, basées sur les données humaines.



Recherche scientifique
© Comité scientifique Pro Anima

" Qu'est-ce qui vous a poussé à fonder le Comité scientifique Pro Anima en 1989 ? Quelles ont été vos motivations initiales pour vous engager dans la promotion de la recherche sans expérimentation animale ?


_ Les motivations qui sous-entendent la création de Pro Anima sont la nécessité et l’importance de mieux évaluer les substances chimiques dont les médicaments pour qu’elles présentent moins de risques toxiques et d’effets secondaires ; ceci, notamment pour des questions de santé publique. Face aux limites de plus en plus reconnues aujourd’hui du modèle animal pris comme modèle pour l’homme, le progrès des sciences avec l’avancée des technologies ont permis de développer des méthodes de tests et de recherche plus proches de l’humain et donc plus fiables et plus prédictives, qui plus est permettant de ne pas expérimenter sur les animaux. Ce sont ces méthodes et technologies que Pro Anima vise à mettre en avant et à faire reconnaître par différents publics (industriels, scientifiques, législateurs, régulateurs, société civile) afin, à la fois, de les intégrer sur les plans réglementaire et législatif et de les implémenter dans les pratiques et mentalités des chercheurs et acteurs du secteur.



En ce sens, Pro Anima, que j'ai créé en 1989 à la mémoire de Georgina, ma fille décédée en 1984 d’une thrombose, a été pionnier en France portant à la fois le besoin de développement et de reconnaissance des méthodes hors modèle animal, plus fiables pour notre espèce, et des enjeux de santé publique. En effet, depuis le décès de ma fille, je cherchais à comprendre comment et développais l’idée de savoir s’il y avait moyen de faire autrement et mieux que les tests sur animaux, puis d’encourager toutes les démarches et progrès qui allaient dans ce sens. Aucun médecin à l’époque ne s’accordait sur les causes de la thrombose. Quelques temps plus tard, je suis tombée sur un article publié dans le Sunday Times et intitulé « The killing pills ». Cet article décrivait les symptômes des personnes victimes des effets secondaires de la pilule Diane35. C’est ainsi que j’ai compris que Georgina était très probablement décédée des effets secondaires de la pilule Diane35 qu’elle avait prise.

[....] En parallèle, j’ai été intéressée et impliquée dans divers échanges et réunions sur le sujet des (tests sur les) animaux de laboratoire, notamment en 1985 avec l’Eurogroup et l’Intergroup du Parlement européen et plus particulièrement encore avec l’un des vice-présidents du Parlement européen de l’époque. Tous ces échanges ont alors donné lieu à la directive 86/609/CEE qui a réuni les dispositions relatives aux animaux utilisés à des fins scientifiques. La directive de 1986 a été transposée en droit français en 1987. [...] L’engagement du Comité scientifique Pro Anima est encore plus fort et important aujourd'hui que les défis liés à la santé et à l’environnement ne sont plus les mêmes qu’autrefois, ils sont aujourd’hui considérables. Il est urgent de s’emparer et de mettre en œuvre beaucoup plus concrètement les avancées scientifiques et technologiques concourant à des substances plus fiables pour la santé et à la hauteur des enjeux du XXIe siècle."



" Après tant d'années d'efforts et de dévouement au sein de Pro Anima, que ressentez-vous aujourd'hui en regardant le chemin parcouru par l'association ? Êtes-vous fière des réalisations accomplies jusqu'à présent ?


_ Évidemment c’est un long chemin, même un parcours du combattant. C’était beaucoup plus difficile que ce que je prévoyais ; alors même que pour moi, ce que Pro Anima encourageait tenait du bon sens. Ce n’était qu’aller dans le sens du progrès que d’essayer de faire mieux et autrement qu’avec les tests sur animaux. Parce que le but premier du Comité scientifique Pro Anima a toujours été et reste d’encourager le développement de méthodes substitutives à l’expérimentation animale, plus fiables pour la santé. Au fil des années, j’ai rencontré de nombreux obstacles, confrontée à la routine des chercheurs, à des dogmes et des lobbies très forts en faveur de la persistance de l’expérimentation animale. Ainsi, au lieu de recevoir des encouragements, je recevais des fins de non recevoir, notamment de la part des ministères de la Recherche et de l’Agriculture. Il n’y a eu aucune ouverture ni dialogue de la part des responsables publics. Toutes les portes étaient fermées. [...] Les scientifiques ont également joué un grand rôle dans le développement et la force de Pro Anima, [...] Nous n’étions pas beaucoup, mais actifs. Nous avons notamment organisé les deux premiers colloques européens sur la toxicologie moléculaire en 1996 et 1999. Depuis 1994, Pro Anima publie la revue trimestrielle Sciences, Enjeux, Santé, la première et unique revue française consacrée à la recherche non animale. Depuis 2006, avec le soutien de grandes ONGs françaises, suisse et belge (Fondation Brigitte Bardot, Fondation 30 millions d’Amis, LSCV, SNDA, UBAEAV), le comité pilote le test de toxicologie cellulaire Lucs/Valitox, basé sur la bioluminescence, aujourd’hui disponible en kits pour les industriels. En 2013, Pro Anima a aussi créé le Prix et Fonds EthicScience récompensant des programmes et recherches de pointe."


Depuis 35 ans, le Comité scientifique Pro Anima a mené de nombreuses actions et n’a eu de cesse de chercher à développer le dialogue, et à sensibiliser tant le grand public que les leaders d’opinion et acteurs publics en organisant des campagnes de communication, des événements et des rencontres en ce sens.
Dialogue entre la fondatrice du Comité scientifique Pro Anima et un partenaire discutant des avancées en matière recherche scientifique
©Comité scientifique Pro Anima



"Quels critères sont pris en compte lors de la sélection des lauréats pour le Prix Descroix-Vernier EthicScience ? Quel impact cela a-t-il sur la promotion des recherches sans utilisation d'animaux ?


_Les dossiers de candidature du Prix Descroix-Vernier EthicScience (DVES) sont étudiés par un comité de sélection composé de membres issus de la recherche sur la base de la pertinence scientifique et de la qualité du projet de recherche.

Ce prix initialement nommé Prix EthicScience et qui existe depuis 2013 et en effet devenu pour ses 10 ans d’existence en 2023 le Prix DVES pérennisant ainsi la collaboration entre la Fondation Descroix-Vernier et le Comité Pro Anima en faveur du développement et du financement de la recherche non animale.

Il récompense dorénavant trois programmes correspondant à trois catégories : innovation ;

applicabilité et développement ; Prix du Jury : Espoir de la recherche. Le Prix DVES est le seul prix français exclusivement dédié au remplacement de l’expérimentation animale et à la mise en avant des technologies de pointe hors modèle animal. Avec une dotation totale de 110 000 euros, il est aujourd’hui l’un des prix privés les mieux dotés d’Europe.

Ce Prix est important face au manque de financements publics pour la recherche non animale comparés aux financements de la recherche traditionnelle. Il est important car il encourage les chercheurs à progresser dans ces voies de recherche et à mettre en lumière leurs travaux basés sur les connaissances et les technologies les plus avancées et performantes. 

Les chercheurs ont besoin de soutien financier, ils ont aussi besoin que des structures

en lien avec les législateurs et la société civile comme Pro Anima communiquent/ partagent leurs avancées et innovations. Nous avons en France un super écosystème de la recherche, des compétences et des profils d’une très grande qualité. L’objectif du Prix est de les faire valoir tant auprès des décideurs que du grand public."



"Face aux défis actuels en matière de sécurité sanitaire et de protection de l'environnement, quelles sont les perspectives d'avenir de la recherche sans utilisation d'animaux ? Comment Pro Anima contribue- t-il à façonner ce futur ?


Entre 80 et 99 % des médicaments testés et approuvés chez l’animal échouent lors des essais cliniques chez l’humain, car ils se révèlent toxiques ou non efficaces. [1]

_ Les enjeux sont évidents face à de telles données. La recherche hors modèle animal a pour objectif de produire des données et des résultats plus proches de l’humain et donc plus fiables, réduisant potentiellement les effets secondaires et les risques toxiques à la fois pour la santé, mais en effet cela concerne aussi les substances qui sont utilisées et/ou rejetées dans l’environnement.

Il existe aujourd’hui des alternatives prometteuses pour la santé humaine, telles que les

organes-sur-puce (OoC) et organoïdes, la bio-impression 3D et 4D, ou encore les méthodes

dites in silico avec l’intelligence artificielle, le machine learning et la modélisation mathématique.

Ces méthodes sont déjà très prometteuses. De grands chercheurs et instituts travaillent et

développent ces méthodes. Dans le cadre de notre revue trimestrielle Sciences, Enjeux, Santé, nous avons eu l’honneur d’interviewer certains d’entre eux, pionniers de la recherche non animale, tels que le Prof. Donald Ingber, du Wyss Institute, Harvard (US), le Prof. Thomas Hartung, John Hopkins University (US), ou encore le Prof. Merel Ritskes-Hoitinga, Utrecht University - TPI (NL) qui œuvre justement pour la transition vers la recherche non animale et participe à la création d’un centre dédié à ces méthodes et financé par le gouvernement néerlandais.

Les avantages sont également et évidemment sur le plan des vies animales épargnées et sur  le plan économique. Je vous partage juste un exemple : pour accroître l’efficacité de son programme de recherche, le Dr Atkins, scientifique à la division Investigative Pathology de Moderna, a commencé à utiliser le foie-sur-puce d’Emulate (Emulate Human Liver-Chip) pour dépister la toxicité liée aux nanoparticules lipidiques (LNP) au lieu de s’appuyer uniquement sur les primates non humains (PNH) [2]. Dans une récente analyse de coût effectuée, le Dr Atkins a mis en avant avoir dépisté 35 nouveaux LNP dans le Liver-Chip au cours d’une série

d’expériences qui a duré 18 mois pour un coût total de 325 000 $. Si elle avait dû dépister le

même nombre de LNP à l’aide d’études traditionnelles sur les PNH, cela aurait coûté à Moderna plus de 5 000 000 $ et aurait pris plus de 5 ans.



" Quels sont les principaux obstacles rencontrés dans la transition vers des méthodes de recherche sans expérimentation animale ? Comment Pro Anima travaille-t-il à les surmonter ?


_ Les obstacles ne sont plus tant d’ordre scientifique, dans le sens où les progrès et les études démontrant le manque de pertinence du modèle animal et les avantages des méthodes alternatives sont là et de plus en plus nombreuses. Les principaux obstacles sont, comme évoqué précédemment et comme en a disposé le Parlement européen dans sa résolution adoptée en 2021[3] , d’ordre bureaucratique et réglementaire, mais aussi d’ordre financier, et concernent le manque de volonté et le besoin de changement des pratiques et mentalités de certains chercheurs et scientifiques ; la routine étant aussi un facteur important à prendre en considération. C’est ce que le rapport de PrecisionTox a nommé les barrières socio-techniques [4] . 


Mais comme vous le soulignez dans votre question, il s’agit en effet d’une transition que Pro

Anima accompagne en encourageant le dialogue et en agissant à l’échelle française et

européenne comme un intermédiaire entre les différents acteurs du secteur : industriels,

chercheurs, législateurs, ainsi qu’avec la société civile.

A cet effet, nous mettons en place différentes actions, pour informer les différents

publics, à l’aide d’ateliers de sensibilisation (pour le grand public et les étudiants par

exemple), des panels de discussion pour un public de chercheurs sur l’acceptation des

NAMs, ou méthodes non animales, notamment dans le domaine des tests toxicologiques, mais aussi des rencontres avec des responsables et représentants de structures publiques et privées, des parlementaires français et européens comme le fait notamment notre vice-

présidente Sylvia Hecker depuis le siège à Strasbourg. Le Comité Pro Anima coordonne avec sa responsable scientifique, le Dr Lilas Courtot, un réseau international de plus de 250

membres, spécialistes des NAMS. Nos équipes, sous la direction d’Emeline Gougeon, réalisent également un travail de veille hebdomadaire rassemblant les grandes avancées sur les plans réglementaires, économiques et scientifiques. Nous travaillons à l’organisation de visites de laboratoire destinées aux décideurs publics et aux médias plus particulièrement. 

Un des objectifs principaux est de faire évoluer la réglementation relative aux tests sur les animaux et à une meilleure intégration des méthodes non animales. En ce sens, le Comité Pro Anima est impliqué au niveau européen notamment sur le projet de la feuille de route de la Commission européenne pour sortir progressivement de l’expérimentation animale pour les tests de sécurité chimique ; l’objectif étant d’intégrer progressivement les méthodes non animales dans les processus de mise sur le marché des substances chimiques. Pro Anima est également partie prenante externe du projet européen PARC (Partnerships for the Assessment of Risks from Chemicals) qui développe également une feuille de route pour développer l’évaluation des risques chimiques dits de nouvelle génération. Pro Anima mène évidemment un travail à l’échelon national.

Le problème étant complexe avec de multiples perspectives, il est important d’agir sur plusieurs aspects et surtout de favoriser le dialogue, de travailler en réseau ; éléments clés de nos progrès. Un nouveau système et un changement profond des pratiques et mentalités ne pourront se mettre en place que par le dialogue et un travail conjoint de toutes les parties prenantes ; ce que Pro Anima défend depuis 1989 "


" Que pensez-vous de l'engagement des jeunes dans l'avenir de la recherche sans utilisation d'animaux ?


_ Nul doute qu’un environnement éducatif et familial stimulant est primordial. Voir un garçon aussi impliqué et motivé, travailleur, que vous, est un exemple et un encouragement pour tous. La jeune génération est essentielle pour l’avenir, ce sont les chercheurs, les enseignants, les décideurs, les consommateurs de demain."


 

En conclusion, le travail du Comité Scientifique Pro Anima représente une lueur d'espoir dans le paysage complexe de la recherche scientifique moderne. En plaidant pour l'adoption de méthodes de recherche plus humaines et prédictives, Pro Anima ouvre la voie à un avenir où les avancées technologiques et scientifiques se conjuguent harmonieusement avec le respect de la vie animale. Grâce à leur engagement continu et à un soutien croissant, cette organisation modèle un avenir où la science et l'éthique avancent main dans la main pour le bien-être de tous.


Logo officiel du Comité scientifique Pro Anima, comité scientifique dédiée à la recherche éthique non animal
© Comité scientifique Pro Anima

Cette interview a été mené par le président de l'association Baptiste Praud. Un grand merci à Christiane Laupie-Koechlin pour le temps consacré à cet échange, pour son formidable travail et son parcours avec toute son équipe. Restez connectés sur notre blog et nos réseaux sociaux pour suivre nos futurs échanges  avec Pro Anima. 


N'hésitez pas à visiter leur site web et à vous inscrire à leurs newsletters  pour en savoir plus sur les méthodes substitutives.





 

Source: 

[1]The Flaws and Human Harms of Animal Experimentation (2015)

[2]Comment Moderna utilise les organes-sur-puce pour améliorer la recherche sur les LNP

[3]https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0387_FR.html#def_1_10

[4] rapport de Precision Tox

Baptiste PRAUD

Avec une passion profonde pour le bien-être animal, je suis le Président et Fondateur de l'association ARGOS 42 de protection animale.
Je suis dédié à la sensibilisation et à l'éducation sur les meilleures pratiques pour garantir un avenir sûr et aimant aux animaux. Dans les articles de ce blog, je partage mes conseils, des histoires inspirantes et des informations précieuses pour tous ceux qui, comme moi, ont à cœur le bien-être des animaux. Venez vite nous rencontrer et découvrir notre engagement en faveur des animaux !

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